
LES PÔLES TERRITORIAUX DISCRIMINENT-ILS LES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP INTELLECTUEL ? OUI !!!
Ce n’est pas (seulement) Inclusion asbl qui le dit, c’est aussi ce qu’affirment sans ambiguïté les juges de la Cour Constitutionnelle suite au recours introduit par notre association le 4 février 2022: « La Cour juge […] qu’il est discriminatoire que les pôles territoriaux reçoivent un financement plus important pour les élèves en situation de handicap sensori-moteur, au détriment des élèves en situation de handicap intellectuel. La Cour annule donc les dispositions concernées du décret du 17 juin 2021 ».
Contexte
Le 17 juin 2021, le parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) votait le décret créant les pôles territoriaux et ce, sans prendre en compte les nombreux griefs et avertissements que nous avions adressés concernant la discrimination que ce dispositif allait engendrer pour les élèves en situation de handicap intellectuel.
En effet, en obligeant les élèves ayant une déficience intellectuelle à fréquenter d’abord l’enseignement spécialisé pour obtenir un accompagnement adapté à leurs besoins – dans le cadre d’un projet ultérieur éventuel d’intégration dans l’enseignement ordinaire – le décret allait ainsi créer des discriminations entre certains groupes d’élèves. Pire, faisant cela, le décret allait même faire marche arrière par rapport à la situation qui prévalait, situation qui avait pourtant déjà elle-même fait l’objet d’une condamnation par le Comité européen des droits sociaux.
Ainsi, avec les pôles tels qu’imaginés, la mise en place d’un parcours scolaire inclusif allait s’avérer extrêmement complexe pour les élèves en situation de handicap intellectuel, voire impossible. Et ces craintes se sont malheureusement rapidement transformées en constats alarmants sur le terrain, dès la rentrée scolaire 2022 et le lancement des pôles territoriaux.
Rappelons également qu’à peine quatre mois avant le vote du décret incriminé au parlement, la FWB était condamnée par le Comité Européen des droits sociaux pour le manque d’efforts consentis en matière d’Inclusion scolaire pour ces mêmes élèves. Faisant fi de cette décision importante, le texte a pourtant été finalement voté le 17 juin 2021, sans qu’aucune disposition ne soit prise afin de prendre en compte les besoins des élèves en situation de handicap intellectuel.
Le 4 février 2022, Inclusion asbl a donc décidé d’introduire un recours devant la Cour Constitutionnelle afin d’obtenir une annulation de certaines dispositions du décret. C’est donc peu dire que c’est avec beaucoup de soulagement qu’Inclusion asbl accueille aujourd’hui cette décision de la Cour Constitutionnelle !
« C’est donc peu dire que c’est avec beaucoup de soulagement qu’Inclusion asbl accueille aujourd’hui la décision de la Cour Constitutionnelle. »
Unia et le Délégué Général aux Droits de l’Enfant en soutien
Dans cette procédure, nous avons également pu compter sur le soutien important d’UNIA, en tant que partie intervenante, ainsi que sur celui du Délégué général aux droits de l’enfant, en tant que contributeur externe. Tous deux ont rappelé les obligations de la Belgique en lien avec, respectivement, la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées et la Convention Internationale des droits de l’enfant.
Quelques arguments retenus par la Cour dans cette affaire
(Extraits du CP de la Cour Constitutionnelle)
« La Cour relève que le décret attaqué crée une différence de traitement entre les élèves selon leur situation de handicap, en ce qu’un suivi individuel et un financement complémentaire plus important sont prévus pour les élèves en situation de handicap sensori-moteur. »
« Selon la Cour, cette différence de traitement ne repose sur aucune justification. De plus, le régime antérieur n’était pas compatible avec le droit à l’éducation inclusive des élèves atteints d’une déficience intellectuelle, garanti par l’article 15, paragraphe 1, de la Charte sociale européenne révisée (voy. La décision du 9 septembre 2020 du Comité européen des droits sociaux). Si le législateur peut progressivement mettre en place une réforme radicale dans le sens de l’inclusion des élèves en situation de handicap, il ne peut pas traiter différemment de manière injustifiée les élèves en fonction de leur situation de handicap, intellectuel ou sensori-moteur. »
Que va-t-il se passer maintenant ?
Les changements ne seront pas immédiats. L’annulation est en effet assortie d’une décision de maintien des effets du décret jusqu’à la fin de l’année scolaire 2025-2026, afin de laisser au législateur décrétal le temps nécessaire pour adopter de nouvelles dispositions.
Si la Cour annule certaines dispositions, elle ne dit en revanche pas comment il faut les modifier. C’est donc un nouveau travail de rédaction et de négociation qui s’annonce. Nous espérons que ce travail de révision du décret ne fera cette fois pas l’impasse sur l’expertise et la parole des familles que notre association représente.
« Nous espérons que ce travail de révision du décret ne fera cette fois pas l’impasse sur l’expertise et la parole des familles que notre association représente. »
En savoir plus
Le communiqué de presse d’Inclusion asbl, UNIA et DGDE
Dossier de presse (Inclusion asbl – Unia – DGDE)
Le communiqué de presse de la Cour constitutionnelle
https://www.const-court.be/public/f/2023/2023-085f-info.pdf
L’arrêt de la Cour dans son intégralité
https://www.const-court.be/public/f/2023/2023-085f.pdf
Thomas Dabeux
Responsable Plaidoyer (Inclusion asbl)
@ tda@inclusion-asbl.be T 0496 84 29 78